Le « Hair Project » est une recherche sur s la façon dont cheveux et coiffures sont révélateurs de nos société et nos cultures, de nos religions, manière d’envisager le genre, de la politique même. Le projet est composé de 3 parties:
• les bijoux incluant des cheveux naturels ou artificiels. Une façon de détourner les cheveux pour en faire une nouveau type d’ornement.
Charlotte’s dreads, collier, laiton et cheveux naturels, 2016
• une collection d’Histoires de cheveux, de Jamaïque, de Belgique et d’un peu partout (des souvenirs liés aux cheveux, des réactions reçues à propos de cheveux ou de coiffures, de ce qu’ils peuvent symboliser, de ce qui est socialement et/ou culturellement acceptable (ou pas), des histoires à propos de traditions, mythes ou croyances liés aux cheveux … . Si vous voulez participer, en anglais ou en français, cliquer ici. Pour lire les histoire en anglais ou d’autres en français.
• un blog-note, qui rassemble tout le matériel collecté autour du thème des cheveux: informations (sites, livres, documentaires,…) et documents (films, musiques, arts visuels et tout autre travail artistique utilisant des cheveux) classé selon le thème (sociologie, économie, religion, genre, politique, histoire, culture, symbolisme,… ) et la zone géographique concernée.
Une version « de travail » de ce projet a été montré pour la première fois durant le Kingston on the Edge Festival KOTE 2016 et ensuite à la Jamaica Biennial 2017 (plus de photos ici).
Toutes les infos sur les raisons de ce projet ci-dessous.
Kingston on the edge 2016 – Redbones – Jamaica (work in progress)
Jamaica Biennial 2017 – National Gallery of Jamaica
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Pourquoi un projet à propos des cheveux?
En voyageant avec mon compagnon (blanc, avec de longues dreads roux-blond), je me suis rendue compte à quel point le rapport qu’on a aux cheveux en disent long sur la culture, les modes de vies, les manières de penser.
Ses cheveux suscitent toujours une réaction, allant de la simple curiosité (qui va parfois loin: à Cuba, une femme a fait toute une mise en scène pour tenter de se faire prendre en photo avec lui, sans qu’il ne s’en rende compte) jusqu’à la peur panique (Burkina, à un moment où il a lâché ses cheveux les gens autour ont été très effrayés), en passant par le rejet (en Turquie on est venu lui expliquer, à plusieurs reprises, très gentiment, que les hommes ne pouvaient pas porter les cheveux longs, non, vraiment). Ici, en Jamaïque, où on appelle les gens dans la rue par leur caractéristique la plus visible (l’unijambiste, c’est “one leg”), on m’appelle “whitie” (la blanche), lui on l’appelle “Rasta”: ces cheveux sont plus visibles que sa couleur.
Et puis ici en Jamaïque, les cheveux, c’est particulier, particulièrement pour les femmes, entre les cheveux portés naturels, le tressage (un art en soi!), les cheveux défrisés, les extensions, les perruques complètes, les dreads des rastafaris et des autres, c’est à la fois l’histoire du pays, sa culture, les influences extérieures, parfois la politique qui se portent en couvre chef.
Ici, comme dans toute la diaspora africaine, les esclaves étaient rasés afin d’éliminer toute identité (les coiffures en disaient long sur l’ethnie, le statut social, marital, l’âge parfois, ….). Se défriser est devenu d’abord un must ensuite une norme sociale, et l’est encore en partie actuellement. Pas besoin de vous expliquer d’où vient ce modèle de cheveux lisse à suivre…
Dans les années 60-70 aux Etats Unis, au moment de la lutte pour les droits civiques, porter les cheveux naturels (coiffure Afro) devient un réel geste politique. C’est loin de devenir la norme pour autant.
Actuellement, on assiste ici, en Jamaïque, comme un peu partout dans la diaspora africaine à un retour au naturel (mouvement « natural hair », « naturalista », « nappy hair »), où se retrouve cette affirmation de soi, le respect de soi même, parfois un geste politique aussi mais qui s’inclut également dans ce mouvement plus global de retour à la nature, bio and C°.
D’un point de vue de bijoutière, difficile de ne pas envisager les cheveux: ce sont tout de même le premier ornement de la femme et de l’homme. Ils ont toujours été à la fois objet de parure et utilisés eux-même dans des parures. Ce fut le cas de tous temps dans des sociétés aussi diverses que les Bororos du Brésil ou que la société anglaise victorienne.
En bijouterie contemporaine, alors que certains bijoutiers mènent une réflexion sur le rapport du corps au bijou et inversement (jouant d’ailleurs parfois sur la contrainte imposée par la parure au corps), on observe en même temps le corps rentrer dans le bijou, comme part de celui-ci: reproduction de partie de corps intégrée dans le bijoux, par exemple. Il faut croire que je vais faire une tentative de ce côté là 😉
Je passe ici sur beaucoup d’aspects, dont la symbolique (féminine, de pouvoir, de mémoire…), l’aspect religieux (les cheveux, éléments hautement personnel, sont utilisés dans de nombreux rites et religion, des reliques chrétiennes au vaudou, la religion impose souvent des règle en terme de cheveux et coiffures), le commerce des cheveux (en Jamaïque, on trouve des extensions de cheveux naturels, issus des 4 coins du globe), etc…